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REFLEXIONS SUR L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET TERRITORIALE ACTUELLE


Il est de bon ton de gloser sur la réforme territoriale chroniquement perçue comme indispensable en France, ce que, à priori, plus personne ne conteste.
Avec, en guise d'illustration, le franc succès de l'expression "mille-feuilles territorial" devenue Leitmotiv et un véritable symbole de la "malgouvernance" administrative et territoriale à la française.

https://cmonweb.fr/wp-content/uploads/2014/12/r%C3%A9forme-territoriale.jpg

Quelques remarques et points de vue pour agrémenter le débat.

Une problématique fondée historiquement.
En effet, dès le haut Moyen Âge, la France, par alliance, héritage, mariage ou conquête, a su s'agréger territoires, villes et provinces avoisinants lui permettant ainsi d'entamer (et d'achever ?) son unification avant les autres grandes nations d'Europe, lui conférant de fait un authentique "avantage concurrentiel" sur les nations voisines.
Très tôt le pouvoir royal a su centraliser ce qu'il fallait, au moins en termes de pouvoirs régaliens (monnaie, fiscalité, défense, diplomatie, justice), certes dans les limites des moyens techniques de l'époque, pour donner une cohérence et une puissance à l'Ile de France, devenue par après « royaume de France » puis « République française ».
Ce processus précoce d'une relative centralisation a effectivement permis, à l’époque, à la France d'asseoir sa puissance, sa prééminence, son rayonnement politique, économique et culturel, à une époque où ses voisines en étaient encore incapables... et loin s'en fallait.
De là à considérer que seul un Etat centralisé, voire fortement centralisé, voire autoritaire, saurait être cohérent et efficace dans la compétition internationale et un monde de plus en plus compliqué, est en effet un pas que franchissent allégrement, et consciemment ou non, beaucoup de citoyens français de tous bords... qui ne connaissent pas autre chose, en réalité !...
Ainsi, ce concept bien français de « colbertisme », ou interventionnisme d'Etat.
L'idée que, en matière de gouvernance, tout procèderait d'en haut est largement partagée, en France, par les gaullistes, comme par les marxistes... et, de fait, la France avait encore un Ministère du Plan (quinquennal) alors que même l'ex-Union Soviétique avait renoncé au principe... le considérant lourd et dépassé…
De là à critiquer la technocratie bruxelloise (européenne)… Mais, les Français sont-ils réellement bien placés pour donner des leçons sur ce plan ?
L'avantage concurrentiel que la France a connu pendant des siècles du fait d'avoir su s'unifier plus tôt que ses voisines d'une part, d'avoir su (ou du) se doter d'un gouvernement central fort d'autre part, a été parfaitement intégré par l'inconscient collectif français (et alsacien ?) et pèse largement, à tort ou à raison, sur notre vision contemporaine et actuelle de l'organisation administrative et territoriale souhaitable pour la France.
Il est, en effet, profondément ancré dans les esprits français que, si l'on veut une France forte, un Etat fort, et en tout cas centralisé, serait nécessaire.
Il est même probable que, bien des Français circonspects, pour le moins, ou franchement hostiles, vis à vis de l'intégration européenne aient, bien enfouie en leur subconscient, l'idée que, l'unité française s'étant bâtie sur les cadavres de l'identité et de l'autonomie des régions, l'unité de l'Europe ne saurait forcément, se réaliser que sur les cadavres des identités nationales...
Idée fausse, s'il en est.
L'unité européenne sera strictement ce que l'on en fera.
Rien de moins, mais rien de plus.

Ainsi, en guise d'illustration de ce jacobinisme latent (et en guise de provocation également...), personne dans la France des débuts de la Vème République (1958), n'était-il choqué que la France possédât un "Ministère de l'Information" et que les contenus du journal télévisé de vingt heures se décidassent à l'Elysée...
Un système alors bien en cours dans les démocraties dites populaires... ou en Espagne franquiste..., mais totalement déplacé, voire exotique, dans le monde libre...
Pour ne pas dire antinomique.

Plus proche de nous, le cas « FR3 » actuelle « France 3 », dite "France Régions 3", une chaîne télévisée volontiers présentée comme "régionale", alors qu'il s'agit bien d'une chaîne nationale (et centralisée) à "thématique régionale" et la nuance est de poids...
Ainsi, en guise d'exemple, sur l'Alsace, la dite "FR3 Alsace/France 3", dont une part conséquente des programmes est réalisée à Paris ou dans d'autres régions (à hauteur de 80%), informe volontiers les Alsaciens de ce qui se passe à Bordeaux, ou à Nantes, pour ne pas mentionner la Guyane ou les embouteillages du périphérique parisien... mais de ce qui se passe à Karslruhe, au Luxembourg ou à Bâle, pourtant aux portes de l’Alsace... aucune information disponible !...
Jamais !...
Le déficit d'information authentiquement régionale est un fait, organisé et voulu, du fait même de la philosophie jacobine et nationale qui prédomine dans cette chaîne, prétendue régionale.
Un comble !

Il existe en 2023 d'autres approches que celle de la centralisation administrative...
Tout aussi légitimes... voire plus efficaces… voire beaucoup plus efficace et, en tout cas, moins coûteuse…
En effet, la centralisation administrative exige un maillage serré du territoire (cf. le « mille-feuilles » !) et cela a bien évidemment un coût !
Et ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des Comptes… qui le dénonce régulièrement !...
D'autres nations, nombreuses, modernes, prospères, plus peuplées ou moins peuplées que ne l'est la France, ont fait les choix exactement inverses de ceux de la France en matière d'administration territoriale et ils ne s'en sortent pas plus mal que la France dans la compétition internationale, voire bien mieux !...
Pour ne pas parler de l'excellence de leur gestion locale, très souvent bien meilleure que celle de la France: Pays-Bas, Suède, Allemagne, Autriche, Suisse, Etats-Unis, Canada, Australie... tous pays arriérés, faibles et mal gérés, comme chacun sait...
En tout cas, les caisses publiques de ces pays sont-elles pleines… au contraire de celles de la France…
Ces pays, au contraire de la France dite "unitaire", sont, il est vrai, des fédérations, confédérations ou s'inspirent largement du fédéralisme (Suède, Pays-Bas)...
L'unité de ces pays n'en est pas moins solide et, tiens !, je constate qu'il n'y a dans ces pays, pourtant très largement décentralisés et régionalisés, aucun mouvement irrédentiste, autonomiste ou séparatiste, comme l'on en trouve dans les pays centralisés (ou anciennement centralisés) que sont la Grande-Bretagne, la Belgique (certes devenue fédérale, entretemps, mais sur le tard...), la France ou l'Espagne (régionalisée entretemps, mais sur le tard)....
L'ex Union Soviétique, l'ex-Tchécoslovaquie et l'ex-Yougoslavie, voire la Chine Populaire, sont des exemples qui vont dans le même sens, en ce que, et bien que leurs constitutions se soient targuées d'être "fédérales", elles ont toujours eu une pratique administrative hypercentralisée, au contraire du fédéralisme proclamé.
Hypercentralisation qui, pour trois d'entre elles, au moins, ont, en fait, provoqué leur éclatement...
Y aurait-il là un lien de cause à effet direct, entre hypercentralisation et réactions centrifuges ?
Les faits semblent le confirmer, en effet !
Pourquoi y aurait-il dans les pays fédéralistes et réellement décentralisés des mouvements autonomistes ou séparatistes, quand chaque région de ces pays est, déjà, très largement autonome, y compris
fiscalement ?...
Et ce, pour le plus grand bénéfice de l'administration et de la gestion locales, tant il est vrai que l'on gère mieux et plus efficacement lorsque l'on est proche des gens et à même de juger concrètement des besoins réels du local que l'on ne le serait d'une lointaine capitale... fusse t'elle tentaculaire !

En guise d'illustration, l’on se souvient, cici, que nous ne disposons pas, en Alsace-Moselle, de la Sécurité Sociale française, mais d'une Sécurité Sociale autonome, à l'allemande, et ce, depuis 1875, soient 70 ans avant la France…
Cette Sécurité Sociale d'Alsace est autonome par rapport au système français, dit "général".
Or, la Sécurité Sociale d'Alsace, gérée localement, est bénéficiaire depuis toujours ! au contraire du régime général, déficitaire chronique depuis 50 ans et plus…
Tout en remboursant soins dentaires ou lunettes plus largement que partout ailleurs en France...
Les bénéfices de cette Sécurité Sociale d'Alsace sont tels qu'ils ont même aidé à lancer la Sécurité Sociale française (générale), en 1945-46 : une partie des avoirs de la Caisse Régionale (d’Alsace-Moselle) de Sécurité Sociale sera en effet confisquée par décret, par la République, pour lancer la Sécurité Sociale de la France en 1946 !...

De la question de l'autonomie.
Autonomie, un terme dévoyé et déconsidéré en français, devenu presque une grossièreté...
Autonomie et indépendance sont deux concepts radicalement différents, voire opposés.
L'on est indépendant lorsque l'on a coupé tout lien de dépendance avec l'autre.
Ainsi de l'Algérie de l'après 1962 avec la France.
Ainsi de l'Autriche, séparée de l'Allemagne, après 1945.
L'on ne dépend plus de l'autre et l'on constitue un Etat en soi, reconnu internationalement, avec des prérogatives de type régalien: monnaie, défense, justice...
Il en est tout autre de l'autonomie qui ne consacre pas la césure, la séparation, d'avec l'Etat d'origine, mais, AU CONTRAIRE organise la vie locale AU SEIN DE, PAR RAPPORT A ET EN LIEN AVEC, l'Etat central...
Aux Etats-Unis, comme en Suisse, comme en Allemagne, chaque région est autonome... mais aucune n'est indépendante...

Les gouvernants français successifs se sont montrés plus innovateurs sur ce plan, qu'il n'y parait.
Le Général de Gaulle, déjà, en 1969, prétendait renforcer le poids du local en transformant le Sénat et le CESA (fusionnés) en chambre régionale (à l'allemande !), ambition hélas avortée par l'échec du référendum de 1969 et le choix des Français qui se sont plus exprimés, à ce moment là, sur une volonté de changement et de rajeunissement, à la tête de l'Etat que contre la réforme envisagée...
Dès 1972, cependant, le très gaulliste Georges Pompidou reprend le projet et permet la re-création de 22 régions administratives, certes aux très faibles pouvoirs... et aux dotations encore plus faibles !
La re-création de ces régions demeure néanmoins entachée d'une philosophie et de réflexes très jacobins: rejet d'une région normande unique pour éviter la création d'une région "pesant économiquement le poids du Danemark" (dixit les cassiques de l'époque...), détachement de Nantes de la Bretagne (depuis 1960, l'on assistait à la renaissance du régionalisme breton... pourtant, en détachant Nantes de la Bretagne, l'on a plutôt stimulé le régionalisme breton qu'on ne l'a combattu !...), rejet d'une région Dauphiné (historiquement, la région du Dauphin, fils du roi de France...inconcevable en République !...), rejet d'une région Savoie...
On le voit, une philosophie de l'Etat et une vision du monde très dogmatiques encore, frileuses et assez dépassées au regard des autres pratiques, dans les pays qui fonctionnent.
Pourtant, la Région restait vraiment, en comparaison avec le Département, un maillon faible dans le maillage administratif français, en termes de prérogatives, de financement, comme de dotation en personnel.
Ce constat est toujours vrai, en 2023, avec les méga-régions honnies par une majorité de citoyens.
Retour à 1982, grosse communication gouvernementale (et socialiste) sur le besoin, bien réel !, de moderniser et de décentraliser la France avec le vote en ce sens des lois dites “Deferre”.
Cette "décentralisation" n'en a jamais été une...
Tant il est vrai, qu'en fait de décentralisation, l'Etat a consenti une "déconcentration" de ses missions plutôt qu'une "décentralisation" de ses pouvoirs et la différence sémantique est de taille.
Le choix des politiques menées, la clé fiscale, l'initiative de la loi, la nomination des hauts fonctionnaires, restent totalement entre les mains de l'Etat, les préfets et sous-préfets conservant toute prééminence sur les élus locaux... Une vraie anomalie en démocratie ! Mais phénomène que l’on retrouve de manière récurrente en dictatures où, toujours, le poids de l’État est prééminent sur les citoyens et leurs élus… L’on se souvient, à ce sujet, du vote de la Loi Mollac sur la reconnaissance des langues régionales, par une majorité de députés, élus du peuple, en avril 2022, loi invalidée par les 9 sages du Conseil Constitutionnel, nommés par l’État…
Exemple de déconcentration plus que de décentralisation réelle, l’entretien des axes routiers et de la cantine scolaire, généreusement cédés par l’État aux collectivités territoriales.
L'on notera, sur ces deux postes, un réel progrès en termes qualitatifs, depuis que les collectivités territoriales s'en préoccupent en lieu et place de l'Etat et ce, alors même que, bien souvent, les dotations financières de l'Etat (la redistribution de l'impôt), sur ces postes, n'ont pas suivi mécaniquement le désengagement de l'Etat...
Démonstration parfaite, s'il en est, qu'une gestion locale et décentralisée des affaires publiques est tout simplement plus efficace, voire plus économique, qu'une gestion centralisée et étatique...

D'un point de vue strictement technique et, en parlant de "mille-feuilles" administratif, il n'en reste pas moins que, là où la totalité des pays susmentionnés ne connaît que trois échelons administratifs:
– la Commune
– la Région
– l'Etat central
la France, elle, connaît (subit ?):
la Commune, le Département, la Région, l'Etat central, soient quatre échelons...
Pour ne pas parler des “communautés urbaines” (intercommunalité), des cantons ou des “communautés de pays”...
Qui sait que, la France, à elle seule, et avec ses 67 millions d'habitants, compte autant de communes (36.000) que le reste de l'Union Européenne réunie et ses 440 millions d'habitants (décompte fait des nationaux Français), soient 36.000 communes également ?...
Peut-être, y a t-il là excès ?
Qui sait que la gestion des routes et de la voirie est gérée conjointement par les communes, les départements et les régions, obligeant celles-ci à organiser de coûteuses structures de gestion en doublons, lesquelles se concurrencent, se jalousent et parfois même, se détestent, allant jusqu'à "se tirer dans les pattes", dans la plus pure tradition gauloise ?...
La gestion des établissements scolaires de même !
Les questions environnementales, de même !
La restauration publique, scolaire et universitaire, de même !
Les transports, de même !
Et combien d'autres domaines ?

Des voix s'élèvent cependant.
Le très médiatique énarque et bien à gauche, Jacques Attali préconisait en deuxième position dans son étude de "Cent mesures pour moderniser la France", commandée par Monsieur Nicolas Sarkozy, dès son arrivée aux affaires, à la tête de l'Etat, en 2005, la suppression pure et simple des départements au profit des régions et la fusion des prérogatives, des moyens (dotations), comme des administrations des deux entités.
Un gain en efficacité selon lui et une économie potentielle de 17 milliards d'Euros, par an...
Tous les ans...
L'on peut discuter à l'envie du chiffre, le principe d'une économie majeure est, lui, incontestable...
Et incontesté.
Néanmoins, à droite, comme à gauche, levée de bouclier de la part des plus frileux (des plus réactionnaires ?), certes très minoritaires, mais très agissants, en appelant “aux acquis de la Révolution" !...
En clair, il est urgent de ne rien faire !...
Bien entendu, cette proposition a été instantanément écartée d'un trait de main présidentiel.
Une simple question: en quoi une structure coûteuse, devenue peu efficace (et en tous cas moins efficace qu'elle le pourrait) et devenue franchement obsolète serait un "acquis révolutionnaire", gravé dans le marbre et intouchable ?
A ce titre, la guillotine serait, elle aussi, un « glorieux acquis révolutionnaire »…
Une telle approche n'est-elle pas une fin de non recevoir à toute velléité de réforme et de modernisation de l'Etat et de son organisation ?
De même, en 2013-2015, la suppression des départements est annoncée avec la réflexion sur la réforme territoriale en cours…
Les très jacobins Mrs Hollande et Valls, finalement, n’y toucheront pas… mais chambouleront les 22 régions contre l’avis des habitants…

De l'origine idéologique des départements.
Si l'on peut se demander si une entité administrative, historiquement, si ce n'est géographiquement, artificielle et limitée par la distance qu'un préfet pouvait parcourir à cheval, en 24 heures, est encore bien d'actualité en 2014, l'on peut de même se demander si sa légitimité idéologique est fondée du point de vue de la démocratie.
Historiquement, et sans le moindre esprit anti-républicain, l'on est bien obligé de constater que la création des départements dans la France tout juste révoltée et pas encore révolutionnaire, tombe à point nommé, dans le sens où, au début au moins, la Révolution, hors les fortifications de Paris, peinait à prendre...
Tout juste un peu à Lyon et en Provence... et pratiquement pas ailleurs !
Cette nouvelle entité administrative, le Département, a été pensée, voulue et mise en oeuvre dans le plus pur esprit du "diviser pour mieux régner".
Ces provinces, supposées arriérées et en tout cas récalcitrantes, découpons les ! Réorganisons les ! Mettons à leur tête et avec tous pouvoirs, un fonctionnaire fidèle, zélé, bien discipliné, sinon compétent, toujours nommé par l'Etat...
Et par conséquent, jamais élu...
Rappellons ici la célébre citation du révolutionnaire anticlérical Lebas, relayé par l'abbé Sieyès: “la contre-révolution parle allemand et breton !...”.
Comprendre: les autonomies et identités régionales sont des obstacles à l'établissement de nos idées, abattons les !

Considérons par ailleurs, la dimension négative que les termes de "province" et de "provincialisme" ont acquis dans la langue française (l'esprit de clocher n'est pas loin...), fruit de deux siècles et demi de propagande jacobine et centralisatrice !
Dans le même temps, dans la langue allemande ou anglaise, le terme Etat (fédéré), région, Land, canton, province (au Québec) sont des synonymes de réalisme, de prudence et d'excellence de la gestion locale... quasiment gage de qualité, en somme !
Deux univers différents !
Lorsque l'on mesure en 2023, les inimitiés solides qui animent aujourd’hui Corses du Sud et du Nord, Haut-Rhinois et Bas-Rhinois, Haut-Savoyards et Bas-Savoyards... etc..., l'illustration du propos semble parfaite, quand, il n'y a pas si longtemps, les habitants de ces régions ne se définissaient qu'en Corses, Alsaciens ou Savoyards... avaient conscience de leur identité commune et en étaient fiers... ce qui ne les a jamais empêchés d'être Français...
Et leur patriotisme bien réel s'est largement exprimé dans les tranchées comme en Résistance...

D'un point de vue strictement historique et idéologique, l'on ne peut pas ignorer non plus qu'un Mussolini, fraîchement arrivé à la tête de l'Etat italien (1922), un Hitler, fraîchement arrivé à la tête de l'Etat allemand (1933), un Franco fraîchement arrivé à la tête de l'Etat espagnol (1936-39), ont tous trois immédiatement réorganisé administrativement leur pays en abolissant les régions historiques (clin d'oeil énamouré et hommage aux mesures autoritaires prises par la Révolution française ?), en les divisant en petites structures territoriales, de la dimension d'un département français...(tiens !), à la tête desquelles un membre du parti ou, à tout le moins, un haut fonctionnaire fidèle, toujours nommé par l'Etat... et jamais élu...(re-tiens !)
L'analogie est troublante et assez cruelle...
Pour provocante qu'elle puisse paraître...
Casser les identités historiques, naturelles et originelles pour imposer une vision du monde nouvelle...
L'on voit bien ici, l'origine autoritaire, dogmatique, quasi sectaire et bien peu démocratique du concept même.
Aurais-je là une vision partiale, archaïque et dépassée de la chose ?
Allez donc expliquer à un Anglo-Saxon, un Allemand, un Japonais ou un Scandinave que le véritable chef (potentat ?) local, en Région comme en Département, est un fonctionnaire nommé par l'Etat, le Préfet, et aucune attaque personnelle, ici, à l'encontre d'individus qui sont souvent remarquables et compétents, mais irresponsables pénalement et jamais élu, et avec prééminence sur à peu près toutes les décisions prises par les assemblées locales, élues au suffrage universel, elles !...
Le principe même de l'existence d'un préfet va à l'encontre de leur approche de la démocratie, comme de la modernité.
Ils n'en comprennent même pas l'existence, en démocratie, en 2023 !

De la réforme administrative et territoriale de 2013-2015, commise par Messieurs Hollande et Valls :
L'on est passé d'un extrême à l'autre.
De la situation ancienne, 100 départements + 22 régions, soient 122 entités, l'on est passé à 14 méga-régions ! Sans toucher aux départements !...
114 structures ou strates administratives perdurent…
Si ce type de réforme, précisément, a déjà été appliquée autrefois à l'Espagne, un pays ayant 28 millions d'habitants de moins que la France..., il peut être douteux qu'elle soit bien adaptée aux besoins de la France.
Certes, ces nouvelles méga-régions ont gagné en poids financier et politique, mais quid des identités naturelles, locales et historiques ?
Quid de la proximité avec les populations administrées et, surtout, quid de la proximité avec les problèmes locaux ?
Alors que l'on constate une nette désaffection des électeurs pour les élections locales, l’on contribue encore à dépolitiser nos concitoyens en créant des superstructures, bien éloignées du réel et surtout en lesquelles les citoyens peinent à s'identifier ?...

Si le regroupement de la Haute et de la Basse-Normandie, trop rapidement écarté en 1972 pour des raisons purement idéologiques et bien jacobines (ne pas créer de grandes régions trop puissantes...) semble historiquement et économiquement fondé, que dire d'une fusion PACA/Corse, Lorraine/Alsace/Champagne, Picardie/Nord, Limousin/Auvergne/Rhône Alpes (quel rapport entre Limoges et la Savoie ?)... que l'histoire, la géographie, les mentalités, les économies et les intérêts séparent assez nettement, pour ne pas dire totalement ?
Ne serait-il pas plus logique et historiquement plus fondé de conserver 25 grandes régions, les provinces historiques ? (par rapport aux 114 entités actuelles, l'économie resterait très conséquente et même majeure...), héritières des compétences des Départements et des Régions actuels et bien dotés financièrement, avec un véritable gouvernement régional, élu au suffrage universel et responsable devant le peuple (comme aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suisse...), pesant démographiquement un poids comparable aux grandes régions voisines, italiennes (troisième puissance économique d'Europe) ou allemandes (première puissance économique d'Europe) ?
N'est ce pas là aussi une question de cohérence avec nos voisins et partenaires européens qui presque tous ont choisi de développer l'échelon administratif "Région" au détriment d'une structure plus modeste… ou plus grande ?
Ne pas choisir une entité trop petite et dépassée: le Département, et ne pas tomber dans l'excès inverse en choisissant une entité trop grande: la méga-région, à l'espagnole.
La réforme administrative et territoriale de 2013-2015, semble, dans sa forme, comme dans son fonds entachée d'un profond étatisme et d'un profond jacobinisme, totalement oublieuse des souhaits du local et des gens, alors que, précisément, une autre philosophie, plus concrète, plus ouverte, plus moderne, et moins stato-centrée, serait nécessaire...
Quant aux économies annoncées ? Celles-ci se sont envolées dans les faits, puisque les méga-régions coûtent plus chères que les anciennes et c’est la Cour ders Comptes qui ne cesse de le dénoncer !...

En guise de conclusion et d'illustration à mon propos, deux anecdotes que je vous livre bien volontiers

Dans les années 1986-1990, sollicités par des élus allemands et le Land Bade-Württemberg, voisin de l'Alsace, les élus alsaciens développent un projet d'agrandissement de « l'Aéroport International de Strasbourg-Entzheim », projet très largement auto-financé.
A noter, à l'époque, déjà, le statut de siège du Parlement Européen à Strasbourg commence à être sérieusement contesté par Bruxelles...
Et très mollement défendu par la France...
L'Alsace est alors prospère et les caisses relativement pleines.
De plus, les Allemands voisins sont prêts à cofinancer largement le projet, à hauteur de 40%.
Coincé entre d'excellentes terres agricoles d'une part et une base aérienne de l'armée française en demi-sommeil, d'autre part, « l'Aéroport International de Strasbourg-Entzheim » peine vraiment à grandir, malgré les besoins, bien réels.
L'idée de base était d'acquérir à prix symbolique, une partie des pistes, déjà désaffectées, de la base militaire voisine de l'Aéroport International de Strasbourg et de les lui attribuer, après rénovation et mise aux normes civiles et internationales.
Deux ans de travail acharné de la part des élus alsaciens et allemands et le projet semblait être en bonne voie, le montage financier assuré.
Las !, le Ministère de la Défense de l'époque, via la voix du Préfet, se rétracte du jour au lendemain et sans véritable explication, bloque autoritairement et définitivement tout le projet, au détriment des intérêts locaux et sans appel possible.
Je rappelle que nous parlons là de pistes désaffectées, inutilisées et devenues inutiles, bien qu'à la charge de l'Etat.
Jamais, les voix des élus locaux n'ont été entendues.
Depuis, les pistes en jeu sont restées désaffectées, la base aérienne a définitivement fermé et les engagements allemands se sont retirés.
Aujourd'hui, ces mêmes pistes pourrissent, envahies d'herbes folles, le tarmac fissuré est devenu inutilisable et le soi-disant « Aéroport International de Strasbourg » demeure un gros aérodrome, où les gros porteurs ne peuvent atterrir, ce que ne manquent pas de souligner les détracteurs du siège du Parlement Européen à Strasbourg...
Dans le même temps, le trafic aérien de Francfort, comme celui de Bâle-Mulhouse, concurrents directs de Strasbourg, explosent, au point de saturer...

Et encore : la gestion désastreuse du Port Autonome de Strasbourg (autonome ?), aujourd'hui en totale déliquessence et quasiment ruiné, du fait conjoint du manque de moyens locaux et du manque d'investissement de la part de l'Etat, alors que le trafic des ports de Cologne et de Bâle prospère et explose, lui aussi...
Les Ports de Cologne et de Bâle sont en fait des cogestions privées et régionales qui prospèrent quand notre Port, soit disant « autonome », de Strasbourg, mais totalement dépendant d'investissements publics et étatiques qui n'arrivent plus, est en friches, en quasi dépôt de bilan et débauche !... à l'heure où le trafic rhénan se développe de manière exponentielle...

A travers ces deux mésaventures, une simple question, où est la bonne gestion ?
Deux magnifiques exemples d'une gestion d'un problème local, d'en haut et de loin, totalement déconnectée du terrain et du réel, par une techno-structure étatique lourde, autoritaire, raide et, surtout, incompétente...


A méditer.

Franz Sauer


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