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Les possédés d'Illfurth


Nous sommes à Illfurth dans le Sundgau sous le règne de Napoléon III quand nait en 1855 dans la famille Burner le jeune Thiébaud. Puis naitra en 1857, dans ce foyer, son frère Joseph. Le père est commerçant itinérant et son épouse mère au foyer. Ils vivent tous dans une petite maison insalubre sur la route d’Altkirch. La famille est très modeste et les affaires ne sont pas toujours florissantes.


En 1864, les deux enfants tombent malades d’une maladie inconnue et plusieurs médecins sont requis mais sont incapables de donner un diagnostic. Ils constatent un amaigrissement extraordinaire de Thiébaud alors âgé de 9 ans.

C'est fin 1865 qu’apparaissent des phénomènes étranges. Sur le dos, ils font des rotations d’une rapidité extraordinaire, s’attaquent aux meubles de la maison et font des contorsions impossibles humainement. Puis ils tombent ensuite en catalepsie. Et à leur réveil, ils mangent plusieurs kilos de nourriture. Parfois, leurs ventres triplaient de volume sans explication sinon que les enfants se plaignaient que quelque chose grouillait dans leurs ventres.

Thiébaud se fait régulièrement attaquer par une bête immonde portant des plumes que lui seul voit, mais on retrouve des plumes de la bête qui ne font pas de cendre quand on les brûle. Ils voyaient aussi des fantômes qui sentaient mauvais.

Parfois une force invisible les jetait à travers la pièce. Souvent, ils étaient cloués au lit avec des picotements sur tout le corps. Subitement ils leur arrivaient de pousser des hurlements rauques la bouche fermée.

La science ayant échoué, les parents essaient la religion. Mais dès qu’on approche un objet religieux, ils entrent dans une colère folle. Dès qu’on prononce le nom de Jésus, de Marie et du Saint Esprit ils se redressent avec des tremblements.

Leurs parents et les voisins étaient terrorisés. De plus, des curieux venaient de loin pour voir le phénomène.

On soupçonnait aussi une femme de mauvaise réputation de leur avoir donné des pommes empoisonnées. Ce que prétendaient les démons qui les possédaient.

Ils avaient une profonde répugnance pour tout ce qui était religieux et proféraient des insultes diverses et variées. Ils parlaient toutes sortes de langues, eux qui ne parlaient qu’alsacien.

Suite à la foule qui venait de partout, les autorités prennent l’affaire en main, à commencer par le curé Charles Brey qui devine bien vite le caractère surnaturel de ces manifestations.

Charles Brey écrit alors à l’archevêque de Strasbourg et apporte des éléments qui laissent penser à une manifestation diabolique.

Après un premier exorcisme tenté par les bénédictins à Einsiedeln en mai 1868 et bien secondé par le maire Tresch et d’autres fidèles, le curé Brey adresse sur l’affaire un second rapport à l’autorité ecclésiastique, laquelle ne dépêchera qu’au printemps 1869 à Illfurth une commission de trois théologiens (Ignace Spies, maire de Sélestat, M. Martinot, directeur de la Régie à Sélestat et M. Lachermann, de la Congrégation des Frères de Marie et professeur à St Hippolyte) pour mener une enquête officielle puis, au besoin, de procéder à l’exorcisme.

Les exorcistes interrogent les démons qui refusent de répondre dans un premier temps. Puis ils donnèrent leurs noms Oribas et Ypes, comte de l’enfer pour Thiébaud et Solalethiel pour Joseph, un autre démon qui n’a jamais donné son nom mais qui s’entretenait en anglais et en français avec les exorcistes. Curieusement les enfants discutaient en français entre eux quand ils étaient seuls.

Le sous-préfet, qui doute du caractère extraordinaire des manifestations et qui soupçonne les parents d’en tirer profit, décide de séparer les enfants dans deux bâtiments. L’archevêque décide d’envoyer deux sœurs de Niederbronn pour surveiller les enfants. Alors que ceux-ci n’ont jamais vu les sœurs de leur vie, ils les appellent aussitôt par leurs prénoms et leurs noms de religieuses. À une des sœurs, une bavaroise, ils donnent les noms de ses frères et sœurs et à l’autre ils font l’inventaire de sa malle qui est encore à la gare.

En septembre 1869, on envoie Thiébaud et sa mère à l’orphelinat Saint Charles de Schiltigheim aux fins d’observation. Il refuse d’entrer dans la chapelle et se débat et aboie comme un chien quand on le force. On conclut à la possession.

Le 3 septembre 1869 commence l’exorcisme. On emmène Thiébaud qui se débat en bavant vers la chapelle. Les prêtres prononcent les litanies et Thiébaud hurle en tremblant de tous ses membres. Puis, le prêtre lui présente un crucifix et une statue de la Vierge. Il se débat comme un fou puis on entend un craquement et Satan quitte le jeune garçon. Inanimé on le transporte dans son lit. Il se réveille le lendemain et ne se souvient plus de rien. Thiébaud était définitivement libéré du démon.

De retour à Illfurth, Joseph est toujours possédé par les deux autres démons.

Le 27 octobre, on emmène Joseph à la Burnkirch et le curé Brey commence l’exorcisme avec l’accord de l’archevêque. L’enfant hurle en insultant le prêtre. L’exorcisme durera trois heures à coup d’eau bénite et de reliques en invoquant le nom de l’Immaculée Vierge Marie. Puis l’enfant se détend et se découvre tout surpris d’être dans la Burnkirch. Le diable l’avait quitté.

Le dimanche suivant, une messe solennelle avec Te Deum célébra la libération des deux enfants.

On érigea plus tard devant la ferme des Burner aujourd’hui disparue une colonne monumentale en l’honneur de la Vierge Marie immaculée. Sur le socle, on peu lire cette phrase :

« In Memoriam perpetuam liberationis uorum possessorum Theobaldi et Josephi Burner, obtentae per intercessionem Beatae Mariae Immaculatae. Anno Domini MDCCCLXIX » (en souvenir perpétuel de la délivrance des deux possédés Théobald et Joseph Burner, obtenue par l’intercession de Marie, la Vierge Immaculée dans sa conception. L’an du seigneur 1869).


Que devinrent plus tard les enfants ?

Thiébaud mourra à 16 ans deux ans après. Joseph se mariera et resta à Illfurth. Il y mourut à 27 ans.

Régis Baschung


Sources :
- d’après l’abbé Sutter « Satans Macht und Wirken in den zwei Besessenen von Illfurt »
- Archives départementales du Haut-Rhin


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